Nation SHI de l’ancien Etat Indépendant du Congo et sa croissance au cours du temps vue de Colle en 1936

NOM DE LA NATION PRESENTEE TRIBU  PAR COLONISATION QUI REDUIT LE POUVOIR AUTOCHTONE

Selon P. Colle[1], le peuplade, dont il est ici question, est l’ensemble des familles établies de longue date dans la région appelée BUSHI, et parlant la langue MASHI.

  1. Etymologiquement

Les habitants portent le nom de BASHI.  Le radical « shi » est fort probablement le même que « si, chi » des autres langues bantu.  Précédé du préfixe n, il signifie terre, sol (nshi, nsi, nchi).  En y ajoutant la marque du locatif  ha, ku, ni, il a le sens de : « par terre, dessous, en-dessous (hanshi, chini, etc.) ».

Le sens du mot BASHI semble donc être : les gens de la terre, du sol, les paysans ; ou encore les gens d’en-dessous, de la vallée, par opposition aux habitants des montagnes ou d’au-delà des régions montagneuses.  On peut leur attribuer les deux sens.  Cette étymologie est proche de la Bible car le premier homme biblique  Adam, de l’hébreu ‘adamâ , terre, sol, donc celui qui est tiré de la terre. Pour les Bashi le premier homme KASHONDA/KASHENDA est tiré du limon du lac de même que sa femme LONDO, aui signifie limon c’est le Civu, Kivu en langues locales.

  • Sociologiquement

Bien plus, ce nom comporte un troisième sens : gens d’en-bas, du commun, roturiers[2], par opposition au mot « Baluzi » qui désigne les personnes de race noble, les « Banyamwoca », dominateurs du pays.  Le chef du clan Banyamwoca, devenu grand chef du Bushi, prit le nom de Nnabushi après avoir supplanté l’ancien grand-chef du pays appelé NNASHI.

On entend parfois désigner les Bashi par le sobriquet BANYABUNGU.  D’où leur vient-il ?

Il faut, semble-t-il, en chercher l’origine chez les Banyarwanda. Voici, en effet, ce qui se raconte :  Sibula, né d’un inceste entre frère et sœur consanguins, et exclu pour cela du clan des Bahande, auquel il appartenait, fonda le clan Basibula et fut le grand chef des Bahavu.  Ayant réussi à occuper l’île d’Idjwi, à Bunga, il fut appelé « Nyebunga ».  Or un jour, ce Nyebunga alla guerroyer dans le Rwanda et y trouva la mort.  Les Banyarwanda, voulant témoigner leur mépris à ses gens, les appelèrent, non plus Bahavu, mais Banyebunga, mot qui finit par devenir Banyabungu, et qui dans leur bouche avait le sens de « fils d’inceste ».  Ce nom fut même étendu par eux aux Bashi, devenus leurs ennemis.

Au lieu de Banyabungu, certains disent Banya-bongo.  Ils croient que ce nom leur fut donné par les soldats des premiers Européens, venus dans le pays.  Ce mot aurait le sens de « fiéfés menteurs ».  Cette opinion me paraît peu probable, dit Colle.  Banya-bongo n’est sans doute que la prononciation défectueuse de Banyabungu.

TABLE GENEEALOGIQUE SUCCINTE

Créaeur  DIEU NYAMUZINDAfemmeClancomparerlocalité
Crée tiré du limon du lac  KASHENDA/KASHONDA  Gn 1-2 
Descendant  Cilanga    
Temps écoulé  28 générations  Gn 5 
Desendant  KanjaFille de Cilenge   
   Nyabuholo    
   Quelques générations    
   Mushingi dont la mère est NganjakafekaNakwigurhaowahole Gn 10 KUSH Gn 11Mulunga e Kaziba
MushingidevientchefNabuhyohya  Jacob devien IsraelColline Nyehya-Migano
Desendants de Mushingi  Répartition sous- clans Au Buhunde, royaume Au Bushi-Nord, royaume Au Bushi-Sud, royaume Au Butembo, royaume Au Bubembe, royaume  Ex 6.19 MUSHIForet BUHAVU
   Ces 4 clans forment la tribu BANYEHYA    
Nouveau CILANGAPoussée immigratoire Pousse les BENYEHYA  Investissent les noveaux chefs 
   Roi de BAHUNDEInesti par les pygmées Shakijiri et Ngambwa   
   Roi de BUHAVUInvesti par le pygmée Murohoye   
   Roi du BUSHI-KabareInvesti par le pygmée Nabukumwe   
   Roi du BUSHI-NgwesheInvesti par le pygmée Kabamba   
   Roi du BUBEMBEInvesti par pygmée non connu   
   Roi du BUTEMBOInvesti par pygmée non connu   
Les pygmées habitent près des rois qu’ils investissent       
Les chefs pygmées  Nashi chef de BALEGA     Naluniga chef de BARUNGU     Bushi Ngweshe-Kabare Sud Lac Kivu  
CILANGA Roi de NDORWAEnvahit le territoire ouest du Lac Kivu en 1300 Ses fils : Kahande ou Kanyirhambi occupe le Bahunde devenu Les BASIBULA   Ouest du Lac KIVU
   Kanyindu occupe le Lwindi et devient Nyalwindi chef de BANYINDU    
Fils de Kanyindu  -Nnaninja fonde le clan BALINJA au nord -Mufunda fonde le clan BAFUNDA   Nord Lwindi Sud Lwindi
KabareVient de Lwindi Le clan BARUNGU du chef Naluniga est supplanté par Kabare chef de BANYAMWOCA   Kabare Et Ngweshe actuels
NashiClan Balega se subdivise en 5 branches -B’e Canya   -B’e Cime     -Bacuma   -Bacishoki, Benenciko -Bakasiru   -Bushi central -Bushi nord et îles -Lac Mokoto -Irhambi -Kalonge
Les 5 branchesSont supplantées par Les BASIBULA et les BANYINDU    
Un descendant de Kahande  Sibula Nyebunga fut tué au Rwanda mais son cœur et le diadème sont ramenés à sa mère sur l’île d’Ijwi    
Alliance entre clans  Clan Bahande et clan Banyehya    
   De Nabunyehya naquit BARHWA    
Barhwa eut 2 fils : Kalinda et Luciza  BarhwaUnit à une femme Bahande et renonce à son clan pygmée   
   Le fils de Barhwa, Kalinda devient père de BASIBULA ou Bahande ou Bene Muvunyi De Luciza sorti le clan des BWEGA   Buhunde
Mort de KalindaTué par Luganzu I du Rwanda Fin XVe siècle    
   Le clan Bayindu se dévéloppe -Un fils de Kanyindu, KILINGISHE va à LUVUNGI -un autre fils Kahamba fonde le clan BAHAMBA dont le chef est Kabwika en 1936 -le petit fils de Kahamba, Lwamo fonde le clan BANYAMBALA dont le chef est Nyamugira en 1936 au Bufuliru. -le petit fils de Lwamo fonde le clan des BACIVULA dont le Chef est NAKAZIBA au sud du Bushi   Sur la rive du Lwindi ouest et nord ainsi que les régions entre lac Kivu, Ruzizi et la chaîne forestière
   Les filles de Kiligishe avec Nalwindi vont occasioner le clan de BANYAMCA dont le chef est Kabare, né de Namuhoye fille de Nalwindi    
Kabare fils de NamuhoyeQuitte Lwindi Il vient vient supplanter Naluniga au Bushi –Kabare et Ngweshe -Plusieurs familles l’accompagnent : -clan Bashaza -clan Banyalugono -clan Bnanyalwizi sous la direction des BANYAMWOCASa mère mourut à BURHINYI Un de ses frères devient chef de Barhinyirhinyi   
Kabare arivé au Bushisupplante -les BARUNGU -les BALEGA -les BASHOHO -les BANYIGANDA -les BANYIBAMBA   Bushi : Kabare-Ngweshe
Révolte de NgwesheLe petit fils de Kabare, Ngweshe Kwibuka Fonde un royaume autonome NGWESHE né de l scission de KABARE    
De Nalwindi sont sortis aussi des souches régnantes au-delà de la Ruzizi  C’est le clan BARUNDI qui seront dans la pleine de la Ruzizi et au Burundi    
De même Nalwindi sortirent  Les clans de BAGOFA dont le chef est Naluhwinja, roi des BAHWINJA    
N.B. La plupart des clans cités sont les clans des chefs                                         Il y a aussi 4 chefs des anciens clans qui donnent la bénédiction d’alliance entres les anciens occupants du territoire et les nouveau chefs    Les autres clans sont au services des chef : -ceux qui touchent le diadème : les BASHOHO -ceux qui donnent la première femme au roi : les BANYAMBIRIRI -ceux qui sont disposés à traire les vaches du roi : les BANYALUGONO, les BASHEKE, les BISHAZA -ceux qui s’occupent du culte et de la santé : les BALEGA, les B’e CISHOKI, les BASHOHO -ceux qui enterre le roi : les BANJOKA -ceux qui installent le marteau sacré du roi (pour la forge) : les BANYIGANDA   Nashi chef des BALEGA Naluniga chef des BARUNGU Nalwindi chef de Banyindu Kahande chef des BASIBULA     Dans tout le BUSHI                                                 Dans tout le BUSHI
Il y a encore beaucoup d’autres clans dont Colle n’a pas parlé  BAHUNGWE BANYAMAHAZI BARHANA BABOFA etc    

Les premiers hommes connus au Bushi

Le premier qui fut créé par Dieu est KASHONDA/KASHENDA. Dieu l’a sorti du lac avec un troupeau des vaches.

Le bushi fut habitée lors d l’invasion  du petit-fils de Cihanga, ancêtre issu d’un ancêtre nommé Kashonda, et de sa femme Londo, qui habitaient les rives d’un lac au Karagwe ka Bahinda.  Kashenda avait eu une origine céleste.  Dieu le fit un jour sortir du lac sous la forme d’un beau jeune-homme, en même temps qu’un troupeau de vaches.  Peu après, celles-ci disparurent, il ne resta qu’une vache pleine, qui donna le jour à un taurillon.  A quelques temps de là, le jeune-homme vit reparaître le troupeau, conduit par une belle jeune-fille.  Le troupeau disparut, la jeune-fille resta.  Le jeune Kashenda, se l’unit en mariage et appela la jeune fille Londo c’est-à-dire limon, parce qu’elle était, comme lui, sortie du limon du lac.  Dieu leur fit cadeau d’un vase à lait, d’une cruche, d’une baratte indigène, d’un arc, de flèches et les bénit.  Telle est la tradition de l’île d’Idjwi.  KASHONDA.KASHENDA est l’ancêtre de CILANGA. De Cilanga à Mushingi, il ya eu 28 générations.

Le plus ancien clan connu, celui des Banyehya ou pygmées. Dans le lointain des âges, disent les Bashi, le Bushi était quasi désert.  Bien peu d’hommes habitaient ces régions couvertes de forêts. Les premiers hommes dont on ait conservé le souvenir s’appelaient Kanja et Cilenge, tous deux de race pygmée.  Kanja engendra Nyabuholo, qui fut le père ou aiëul de Mushingi, le plus célèbre des pygmées.  Mushingi prit pour femme sa cousine germaine, Nakwiguraowahole,  issue de son oncle maternel Cilenge, frère de sa mère Nganjakafeke. Il prit le nom de Nabunyohya, de la colline Nyehya-migano où il était établi.

Origine de Kanja et Cilenge

 D’où viennent Kanja et Cilenge ?  Probablement du Nord-Est, refoulés qu’ils furent avec leurs familles sous la poussée d’une race plus forte.  Quoiqu’il en soit, les descendants de Mushingi allèrent occuper les clairières des forêts situées au Buhavu (N.W. du Kivu). 

1.Un premier sous-clan en sortit et occupa le territoire du Buhunde, à l’ouest des volcans Virunga ; 2.  un deuxième clan alla au Bushi Nord ; un troisième au Bushi Sud.  Les autres clans pygmées, issus de ce même tronc, se répandirent dans les forêts de l’Ouest, au Butembo et au Bubembe. 

Le chef de chaque clan était alors un petit roi indépendant, uni aux autres par le seul lien d’une origine commune.  L’ensemble formait la tribu des Banyehya ou Batwa et occupait tout le pays situé à l’Ouest du lac Kivu.

Poussée migratoire et fonction des Batwa jusqu’aujourdhui

  Sous la poussée des nouvelles invasions, les pygmées durent se retirer dans l’épaisseur de leurs forêts, dont ils devinrent les maîtres jaloux, domaine qu’ils ont conservé avec acharnement jusqu’à nos jours.  De leur ancien pouvoir, ils n’ont gardé qu’un certain droit d’investiture.  Chaque année à la fête appelée « mubande », le descendant authentique de chaque sous-clan pygmée transmet au grand chef du pays, occupé jadis par son ancêtre, le droit d’occupation.  Après l’avoir béni, il dit en effet « nakuhâ obukulu bwawe, ogwerhe obwami » (Je te donne la grandeur, tu possèdes le souverain pouvoir).

Le roi du Buhunde reçoit son pouvoir des Pygmées Shakijiri et Ngambwa ;

le roi du Buhavu le reçoit de Murohoye,

le pygmée Nabukumwe investit le roi du Bushi, Kabare ;

 le pygmée Kabamba fait de même chez Ngweshe. Colle qui écrit en 1936,  ne connait pas le nom des pygmées qui donnent l’investiture aux rois du Bubembe et du Butembo.

  Les chefs de ces clans pygmées résident habituellement près des rois qu’ils investissent.

 Pendant que les clans pygmées occupaient le pays, Nashi, le chef du clan Balega, vint s’établir au Bushi, pays actuel de Kabare et Ngweshe ; Naluniga, chef du clan Barungu, occupa le Sud du lac Kivu (S.E. du précédent).  Tous deux venaient du Nord du Rwanda, chassés dit-on par Cihanga, roi du Ndorwa.  Leurs descendants occupaient bientôt toute la rive ouest du Kivu.

Cihanga petit (fils de Cihanga), lui aussi, du nom de son ancêtre, traversa la région des volcans,en 1300 et  longea le lac à l’ouest et repassa au Rwanda par le pont de pierres à quelques lieux au sud du Kivu.

 Il laissa au Nord son fils Kahande ou Kanyirhambi, devenu chef du clan Bahunde ou  Basibula ;

Un autre fils Kanyindu le quitta au sud et alla occuper la vallée de la haute Lulindi (ou Lundi ou Lwindi) ; il y prit le nom de Nalwindi et devint le chef du clan Banyindu. Ses fils Naninja et Mufunda prirent possession, le premier de la clairière sise au Nord, le second des montagnes au Nord-Ouest.  Ils devinrent les fondateurs des clans Balinja et Bafunda.  Son aîné Kabuga, resta sur place, où se trouvent aujourd’hui encore ses descendants.

Le clan Barungu, du chef Naluniga, prit peu de développement.  Il fut facilement supplanté par celui de Kabare, comme on l’a vu précédemment.

 Le clan de Nashi, le chef des Balega, s’étendit davantage.  Il se subdivisa en 5 branches : les b’e Canya, tige mère, occupèrent le Bushi central ; les b’e Cime, établis au Bushi Nord et quelques îles du lac (Shushu, etc.) ; les Bakacuba du lac Mokoto ; les Bacishoki ou benenciko ou Babambo de l’Irhambi ; les Bakasiru du pays des Balongelonge actuels, voisins des Balinja

Leur pouvoir fut enlevé par les clans Basibula et Banyindu.  Ils durent se faire les sujets des vainqueurs, conservant à la cour de ces derniers une dignité quelconque.  Le clan Bahande se développa sur place. 

Un descendant de Kahande, le premier ancêtre, le roi Sibula Nyebunga, voulut un jour aller guerroyer au Rwanda ; il y fut tué.  Un aigle (nyunda) dit la légende, pris son cœur, et son diadème dans son bec et les ramena à sa mère qui habitait au Ruhundu, sur l’île d’Idjwi.  Depuis ce jour, ce clan prit le nom de Basibula. 

N.B.  (Plusieurs légendes racontent que Sibula Nyebunga est issu de l’union incestueuse du chef de ce clan avec sa demi-sœur.  C’est peut-être pour ce motif que les Banyarwanda appellent les Bashi « Banyabungu », gens de Nyabungu, sobriquet équivalent alors à celui de « fils d’inceste ».  Cette coutume se pratique encore de nos jours chez les chefs de plusieurs clans au Butembo et Bubembe.  Leur successeur est généralement né d’une telle union, appelée mumba).

Bahole, roi du Buhavu en 1936  fut le chef dont es ancêtres occupèrent à un moment donné toute la côte ouest du lac du nord au sud, ainsi que la plupart des îles.  Le clan des Bahande s’allia dès le début au clan des Banyehya.  De Nabunyehya, en effet, naquit Barhwa, père de Kalinda et de Luciza.  Barhwa s’unit à une femme des Bahande, et renonça dès lors au clan des pygmées.  Son fils Kalinda devint le père des Basibula, ou Bahande bene muvunyi au Buhunde ; de Luciza sortit le clan BwegaKalinda fut tué au Rwanda par Luganzu I vers la vin du XVe siècle.

Le clan des Banyindu se développa fortement sur les rives de la Lulindi.  Il ne tarda pas à se diviser et à envoyer des familles vers l’ouest et le nord-est, vers les régions situées entre le Kivu, la Ruzizi et la chaîne forestière. 

Kiligishe, descendant de Kanyindu, envoya son fils cadet Mahangwe près de la Luvungi ; son petit-fils Kahamba donna son nom au clan Bahamba du chef Kabwika en 1936.  Un petit-fils de Kahamba , Lwamo créa le clan Banyambala (chef Nyamugira) au Bufulero à l’ouest de la Ruzizi ; le petit-fils de Lwamo devint le père des Bacivula (chef Nakaziba) au Buzibaziba au sud du Bushi. 

Les deux filles de Kiligishe avec Nalwindi occasionnèrent la création du clan des Banyamwoca.  On ignore d’où vient le nom du clan.  C’était peut-être le surnom de Kiligishe ou celui de Namuhoye l’une de ses filles, mais plus probablement le nom de son neveu et mari.

Kabare, fils de Namuhoye quitta la Lulindi avec sa mère, passe le Kadubu où celle-ci mourut, et vint occuper le Bushi ; plusieurs familles l’accompagnaient et furent la souche des clans : Bashaza, Banyalugono, Badaha, Banyalwizi, etc.  Il supplanta sans efforts les clans Barungu, Balega, Bashoho, Banyiganda, Banyibamba, etc. 

Une révolte de son arrière petit-fils Ngweshe Kwibuka occasionna une scission.  Cela se passait sans doute vers le début du XVIIIe siècle.  Depuis ce jour le Bushi est régi par deux dynasties, celle de Kabare et celle de Ngweshe.

De Nalwindi sortirent aussi, on ne sait quand, les familles régnantes de l’Urundi, et probablement le clan des Bagofa dont le chef est Naluhwinja, roi des Bahwinja.

 Les clans dont il vient d’être question furent ou sont encore les clans des chefs.

Les clans secondaires elon Colle[3]

 A côté d’eux sont venus se placer de nombreux clans secondaires, issus des précédents ou venus du Rwanda.  Il serait trop long et fastidieux d’en parler ici.  Je ferai seulement remarquer que le descendant actuel de la tige mère des clans supplantés dans le pouvoir par les chefs actuels, occupe de droit certaines fonctions à la cour de ces grands chefs.  Celui-ci peut s’asseoir sur le trône royal, fumer dans la pipe du roi,

toucher à son diadème (bashoho) ; celui-là lui donnera sa première femme (banyambiriri) ; d’autres pourront traire les vaches du roi (banyalugono, basheke, bishaza), seront ses sorciers en titre (balega b’ecishoki), feront les tambours, garderont le crâne de l’ancêtre ou sa lance, ses perles, ses bracelets (bashoho), enterreront la dépouille du chef défunt (banjoka), planteront le marteau sacré (banyiganda), etc.  Bref, ils héritent de la fonction remplie à la cour par le fondateur du clan.  Il en sera parlé à propos de la fête de l’investiture (N° 176 Monographie)). 

Une partie des pygmées dont il a été question plus haut s’allia aux nouveaux clans et forma les pygmées croisés (Batwa-Badaha, Batwa-Baloho, Batwa-Bakanga, etc.) plus grands et plus ou moins adonnés aux cultures  que les autres  pygmées purs. Le besoin de solidarité a poussé les clans à se créer des ALLIANCES (bukumbi).  Dès le début des immigrations, il en fut ainsi.  Cihanga en venant par ici et en envoyant se fils (c’est-à-dire les clans issus de lui) occuper le pays, leur ménagea des alliances dans les clans préexistants.  A mesure qu’un nouveau clan se forme, on fait de même. 

L’alliance se contracte par la bénédiction (mugisho) du chef des principaux clans.  Quatre chefs peuvent au Bushi-Buhavu bénir cette alliance :

Nashi, chef des Balega,

 Naluniga, chef des Barungu,

Nalwindi, chef des Banyindu

 et Kahande, chef des Basibula. 

Eux seuls sont en effet considérés comme chefs des clans originaires (mashanja) c’est-à-dire des souches dont tous les autres clans indigènes sont issus.  Un chef de clan demande cette alliance pour ses descendants afin de leur obtenir aide et protection.  Il cherchera donc de préférence l’alliance des clans les plus puissants et les plus répandus.  La solidarité qui en résulte se manifeste spécialement dans les circonstances suivantes :

L’allié aide son allié dans toute circonstance pénible.  Le voit-il p. ex. écrasé sous le fait d’une lourde charge ou d’une amende onéreuse, il l’assistera, ce qu’un homme d’un clan non allié ne ferait pas.

Il n’hésitera pas à prendre à sa charge un ou plusieurs enfants laissés sans ressources par leur père défunt ou devenu impotent, dès qu’il est de son clan ou d’un clan allié, et qu’il n’y ait pas de proches parents pour le faire.

Un indigène ayant abattu une bête et voyant venir un homme d’un clan allié, lui donnera une part avant même d’en donner à sa parenté ou à ceux de son propre clan.

Veut-il construire une case, il devra payer à ses aides une ou plusieurs jarres de bière, si parmi eux se trouve un membre d’un clan allié, il recevra sa part avant même d’avoir terminé, et avant tous les autres. 

Quand un fils est officiellement mis en possession de l’héritage paternel par la remise des biens, c’est un allié de son clan qui les lui remettra (kuyambika bigulo) conjointement avec l’oncle maternel du fils.  Un noir va-t-il en voyage, il trouvera facilement le vivre et le couvert chez les membres des clans alliés au sien.  C’est pour ce même motif que l’on trouve présent à l’investiture des chefs suprêmes le chef de chaque clan allié qui lui imposent l’un le diadème, l’autre le siège, la pipe, le marteau sacré, etc. ainsi qu’on l’a vu plus haut.

L’allié remplira encore les multiples offices de paranymphe aux noces d’un jeune-homme.

Un homme est-il mort dans une case, la coutume veut qu’on enlève du toit la pointe d’herbe qui le domine ; ce soin incombe encore à un allié. 

Bien plus, il est défendu de verser le sang d’un membre quelconque d’un clan allié même à la guerre où ses clans alliés disséminés dans les guerriers adverses viennent nécessairement au contact.  Le guerrier évitera donc de terrasser tous ceux qu’il reconnaît être de son clan ou des clans alliés.  Que s’il le faisait volontairement, il commettrait une faute grave contre le clan ; et l’âme de l’ancêtre qui en est le protecteur attiré, le lui ferait sentir en lui envoyant une maladie mortelle.

Il y a bien d’autres cas encore de la solidarité qui découle de cette alliance clanique, il serait trop long de les spécifier ici.  Une conséquence curieuse qui en découle est l’impunité donnée à un allié quelconque qui insulterait ou maudirait la famille de l’un des quatre chefs de clans dont il a été question ci-dessus.  Alors qu’un autre encourrait un châtiment, lui en serait exempt.  L’insulte lui est permise à titre d’allié.

Cycle culturel[4]

 Si l’on se demande à quel CYCLE CULTUREL, il faut relier les clans du Kivu, on peut répondre, semble-t-il, que tous ces clans appartiennent en même temps au cycle matriarcal, et au cycle patriarcal.

Le cycle MATRIARCAL  pourrait se prévaloir : 

1. de l’existence de la société secrète des imandwa au Rwanda avec une certaine extension au Bushi et au Buhavu.

2. de culte, des ancêtres qui forme la base même du culte indigène.  3. des honneurs donnés au crâne du grand chef Kabare.

 4. de la présence dans la cérémonie d’intronisation de la tige arquée en cuivre appelée mulinga.

5. de l’existence de la serpette qui est pour ainsi dire l’arme propre des habitants du Kivu, et le tatouage des hommes en forme de croissant.

 6. du respect dont on entoure certains animaux propres à ce cycle : le lézard, la grenouille, le caméléon et surtout les bêtes à cornes.

7. de la croyance que les mânes de la reine-mère, qui a donné le jour au chef actuel du clan royal, se dégagent du corps sous forme de ver cadavérique d’abord et de serpent ensuite.

8. de ce que le cadavre du grand chef doit être enterré dans une barque.

Le CYCLE PATRIARCAL a, lui aussi, laissé bien des traces :

 1. la fête du mubande, sorte de fête de printemps, où les chefs voient renouveler leur autorité au nom des premiers ancêtres et où la voix des auspices doit dire si cette année la terre sera féconde ou non.

 2. le titre du chef appelé le « mwimo », successeur ou plus exactement le fécondant.  Il est en effet le représentant autorisé de toute fécondation ; c’est lui qui autorise l’ensemencement des cultures vivrières ; par son ordre les époux se séparent « a toro »  à certaines époques.

3. la succession paternelle est absolue dans tous les clans.

 4. il subsiste quelques rites phalliques, tel ce remède enfermé dans deux courges minuscules à goulot et toujours juxtaposées que les hommes mariés peuvent seuls employer (ntudirwa).

 5. le totem clanique est général, malgré l’absence de la circoncision.

6. il n’y a pas d’initiation propre aux garçons, seules les filles y sont soumises en quelque sorte en entrant dans la société des imandwa.

7. le soleil est considéré par tous comme maître (Nahamwabo) de la lune.

On relèverait sans peine d’autres indices pour chacun de deux cycles.  Lequel de deux prédomine ?  Il serait malaisé de le dire.  On pourrait peut-être supposer que lors des invasions, les clans venant du nord-est appartiendraient davantage au cycle patriarcal ; leur contact avec les peuples venus du sud, où l’élément matriarcal semblait prédominer, aura augmenté encore ce qui leur manquait de ce cycle et aura produit le mélange actuel.  On retrouve plusieurs traces de l’action des clans du sud sur les clans du nord.  Sans approfondir beaucoup la question, on remarque qu’après l’invasion de Kanyindu sur les confins de l’Urega occupés par les clans du sud, ce fut une femme appelée Namugamubondo qui devint, au dire de plusieurs légendes, la transmetteuse de pouvoir, ce qui la fit surnommer « la faiseuse des rois, Nabami ».  Ce sont encore deux femmes « Lukabura et Namuhoye » que l’on retrouve à la source du clan Banyamwoca.  Le clan Basibula de Muvunyi est sorti du clan Banyehya par une fille du clan Sibula.  Le souvenir de la première mère du clan Banalugono, sorti du clan Bishaza, de la première mère du clan Banyambiriri sorti des Banyiginya, de la première mère, femme pygmée qui donna naissance au clan Babishi, sorti des Bakanga, et d’autres encore, confirme cette hypothèse.  C’est peut-être à la suite de ce mélange que la loi d’exogamie a perdu de sa rigidité.

Par tout ce qui précède, on a pu voir que les moyens imaginés les Bashi furent  efficaces pour conserver le souvenir de leur origine et de leur parenté éloignée, pour fortifier le lien social sur la base de la famille et pour se trouver les soutiens au milieu d’une barbarie, qui sans cela, aurait bien vite ruiné toutes populations.  Puissent-ils bientôt tous s’attrouper dans la grande famille chrétienne sous l’égide de la Croix.

CARACTERISTIQUES DES CLANS EN SE PRESENTANT (Oku bacîtakira)

LES CLANS ISSUS DU PYGMEE MUSHINGI respectent le chien.  Il en est de même de tous les autres clans, tous originaires directement ou indirectement du Nord du Rwanda.  Les ancêtres de Mushingi, pygmées déjà plus ou moins croisés, étant venus eux aussi du Nord-Est, on peut supposer que pygmées et non pygmées descendant d’un clan plus ancien dont le chien était le totem.  Nos pygmées bruns semblent bien être en effet un mélange de pygmées plus petits avec une race plus forte.

Les BALEGA ont pour totem commun l’oiseau ifunzi.

Les BARUNGU respectent les poumons de tout mammifère (mahaha) et l’inceste chinerera.

Les BASIBULA ne mangent pas du ngabi (grande antilope).

Les BANYINTU honorent le jurende (espèce de chat-tigre) (d’autres disent que c’est le rat des roseaux).

Les BANYAMWOCA  ont pour totem le léopard.

La grue couronnée est le totem des BASAMBO.

Le corbeau est celui des BANJOKA.

La chèvre est honorée par les clans apparentés aux pygmées, les BADWAKAZI, issus par union de pygmées à des femmes de leurs clans.

Les BANYAMBIRIRI ne peuvent lancer avec la main le fruit (ntobololo) du strychnos.

Les BANYALUGONO vénèrent l’insecte musheke et s’abstiennent de regarder la plante de leurs pieds.

Les BARHANA  ont la même prohibition ; de plus un murhana marié doit toujours sortir du lit exactement en même temps que sa femme et donner avec elle le dernier coup de pioche aux cultures, le soir au moment de quitter le travail.

Contrairement à ce qui se fait ailleurs, nos noirs n’ont aucune espèce de représentation de leurs totems, ni statuettes, ni tatouages, ni rien de matériel qui pusse les rappeler.  Ils ont, il est vrai, des huttes, des arbres, des pierres et autres objets destinés au culte des mânes, mais ils ne vénèrent aucune image totémique.  L’ancêtre y reçoit parfois l’hommage des chefs du clan par exemple, les sacrifices des chefs Kabare et Ngweshe en l’honneur du léopard sacré « ngwi mugashane » mais ce sacrifice est un hommage des chefs en tant que pères du peuple, et aucune emblème n’y représente la présence du totem.  Ils se contentent d’offrir de la bière et du miel dans la hutte élevée sur la tombe du fondateur de la dynastie.

LES BRANCHES FAMILIALES qui composent le clan n’ont pas, que je sache, des totems spéciaux, non plus que les individus.   L’ENFANT ne reçoit pas au sortir de l’adolescence, comme cela se pratique dans d’autres peuplades bantu, un totem personnel.  Il n’a et n’aura jamais que ceux du clan dont il fait partie et des clans qui ont donné naissance au sien.  C’est aussi pour l’aider à mieux retenir l’origine de son clan qu’on lui apprendra dès son jeune âge une FORMULE QUI CONDENSE  en quelques mots brefs le nom du fondateur de son clan, ou s’il appartient à un sous-clan, le nom de l’ancêtre qui le créa et celui du clan originel, ainsi que le ou les totems qui leur sont propres et le pays où le clan commença son existence particulière. En voici quelques exemples :  1° UN MULEGA du sous-clan « b’e Cime » dira : Shamulega w’e Cime n’e Cilamba (noms de deux pays du Kivu). Les BENE NAKACUBA ont la devise : Shamulega w’e Cishari, Shaluhunga wa Nyankaba kokwe, orhalya ifunzi orhalya na musimbi (père Mulega de Cishari (pays à l’ouest des volcans) père Luhunga, fils de Nyankuba, merci, toi qui ne manges ni ………….

LES B’E CISHOKE disent : ndi mulega w’e mwa Mpekera na wa Bukanda wa Mpekera orhalya ifunzi orhalya musimbi orhalya lubaka (je suis mulega de chez mpekera et de Bukanda fils de Mpekera qui ne mange ni l’oiseau ifunzi ni le carnassier musimbi, ni le milan lubaka). LES B’E KASIRU disent : Shamulega w’e Kasiru ni orhalya …………… (père Mulega de chez Kasiru qui ne mange ni ………………..) Tous ces sous-clans ont le totem du clan Balega d’où ils sortent.

2°  LES MEMBRES DU CLAN BASIBULA ont pour légende : Shabasibula ou Shamuhande wa Buhunde w’e Kacucu na Bumera na Bokamanda, orhalya ngabi na nuzi (père des Basibula de Buhunde …………………qui ne mange ni l’antilope ngabi, ni le chat-tigre, njuzi). Cette devise rappelle les pays successivement occupés par les ancêtres du clan, tous pays situés au Kivu.  La devise du clan Pygmée qui s’est allié au précédent rappelle son origine : Shabunyehya Nabukango (père Bunyehya (pygmée) maître du Bukango (montagne au Buhunde).

3°  LE CLAN BASHOHO dit : Shabashoho b’e Mwanda, ntalya muhugi na cikere mwene wirhu (père des Bashoho du Mwanda (pays) je ne mange ni la grue couronnée, ni le crapaud notre parent).

4°  LE CLAN BISHAZA dit : Shamwisheza w’e Mpembe na Mungombwa na Nakabeje, e munda marha gavuna murhyozo n’obuntu buvuna mudugo (père Mwishaza du pays du Mpembe (au Rwanda) de là où le lait caillé brise la spatule et le brouet brise la cuillère ; c’est-à-dire Mwishaza descendant de rois et d’un pays riche en bétail et en vivres).

Ces devises sont donc par rapport au totem à peu près ce qu’est la légende ou devise par rapport au blason de la noblesse d’Europe ; c’est en même temps pour chaque noir un très court résumé d’histoire clanique.  Cette histoire, nos indigènes adultes cherchent à en conserver jalousement la tradition.  Malheureusement, faute d’écriture, à mesure qu’on s’éloigne de l’origine, les noms et les gestes des ancêtres se confondent, s’effacent, les généalogies se perdent ; on attribue à un aiëux ce qui est le fait d’un autre, parce que tous deux ont porté le même nom ; bien plus, on finit par grouper sous un seul personnage les faits de tous ceux qui eurent un nom semblable au sien.  Il s’ensuit que là où les indigènes se rattachent à leur premier ancêtre par une dizaine de générations, il faudrait parfois doubler le nombre. 


[1] P. COLLE,  Essai de Monographie des Bashi, Centre d’Etude de Langues Africaines B.P.  186  BUKAVU ,1971, original manuscrit de 1936.

En 1937 le Père Pierre COLLE (1872-1961) fit paraître en ronéotype le manuscrit de son « Essai de Monographie des Bashi ».  L’ouvrage, destiné aux missionnaires, édité sans mention de lieu ni de date, ne portait même pas le nom de l’auteur.  Il était seulement introduit par la brève « Remarque préliminaire »  

[2] C’est là que se base le proverbes « Omushi arhali mwami ». C’est le mwami qui représente le clan Banamwoca.

[3] P. Colle, Essai de Monographie des Bashi , p. 85-86

[4] P. Colle, Essai de Monographie, p. 87-88

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